Société

Prostituées:Entre antagonisme et solidarité

Les rapports qu’entretiennent   les actrices du sexe de la ville de Douala  est fonction des contingences qui peuvent subvenir entre professionnelles et amatrices.

Par identification, il est aisé de classifier les comportements en deux catégories. D’une part de bons rapports. Conscientes de la concurrence dans le domaine, les commerçantes du sexe par un processus d’intériorisation de certaines normes et principes affichent des comportements complices identifiables via de nombreux gestes ou actes de sympathie et aussi par de nombreuses attitudes de fraternité. Laissant ainsi transparaitre entre les différents petits groupes ou associations qui laissent entrevoir une forme de solidarité. Cette construction du collectif est liée à un certain nombre d’intérêt que chaque individu en fonction du groupe d’appartenance exquise son explication : « nous, on s’entend bien ici…le travail que nous faisons ici n’est pas ce que vous voyez avec les yeux, ce n’est pas facile, il faut d’abord s’entendre avec les autres Waka…sans oublier qu’on est dehors pour se chercher. », déclare Judith, 20 ans. Ces propos sont forts évocateurs de l’actrice symbolisent bien évidement qu’à côté de ses bons rapports, on observe d’autres plus structurants qui sont sans doute liés à la nature économique de l’activité ou la nature concurrentielle des intérêts subjectifs qui se télescopent.
On observe d’autre part, des rapports conflictuels, comme l’explique le sociologue Pierre Bourdieu, la société est un champ de lutte ou chacun veut se positionner. La quête de la clientèle se faisant sentir, ces filles se livrent parfois à des querelles, des scènes de jalousie, des invectives, ou à des menaces qui se terminent parfois par des bagarres au point où seules, l’intervention des instances intimes de régulations comme le groupe (Get7 Academy) formé dans ces lieux de commerce suffit pour mettre de l’ordre. Les personnes de ces groupes de maintien de l’ordre sans ce « secteur d’activité » sont recrutées entre les Boys et les Nanga-boko-Boko (enfants de la rue). Au-delà de ce qui a été dit plus haut, les désaccords entre ces belles de nuit, sont parfois tributaires des pratiques maléfiques suspectes. Elles dénotent de la compétition et des trafics d’influence qui peuvent finalement élire droit de cité dans de tels environnements. Mais toujours est-il que, en fonction des circonstances et des situations, les rapports se construisent et se déconstruisent.

Le regard de la société camerounaise à l’égard des belles de nuit.
Méfiance, prudence, hypocrisie et intérêt, sont les maitres mots qui gouvernent les rapports entre les prostituées et les autres habitants. Avec les intrus, les rapports ne sont pas du tout bons. Facilement reconnaissable le jour à cause de leur grande timidité, la société les provoque avec des sobriquets comme bordelle, akwara, fille de l’hôtel de ville, fille de la Elf, la nga du poteau, les boguess, Waka…mais, la réaction est nulle car elle se retrouve seule et hors de son collectif en journée. Par contre, en groupe, elles sont fortes, actives et promptes à réagir aux attaques de jour comme de nuit. Par ailleurs, lorsque ces dernières font les achats, elles semblent avoir de bons rapports avec les vendeurs. En fait, ce n’est que l’instinct matériel qui pousse parfois ces bonnes dames commerçantes à les accepter au point d’entrer en confidence avec elles. Conscientes qu’une scène de moquerie peut naitre, à cause de leur étiquette sociale, ces dernières évitent de marchander les produits dont elles ont besoin. Il faut tout de même mentionner que autour de cette activité, d’autres réseaux marchands se créent et se dynamisent pour soutenir et finalement contribuer à la socialisation stratégique mais progressive de celles des filles prostituées.

Relation entre les prostituées et la police.
Intervenant régulièrement dans les lieux où se commercialise le sexe, la police procèdent parfois à des rafles et interpellations des « Waka » (balades nocturnes, défaut de CNI, tenue immorale, atteinte à la pudeur, racolage…). Mais sur le terrain, tout fini par s’arranger car dit-on, le principe est bien connu. D’ailleurs des sources concordantes et de l’avis de l’une des filles : « Les chefs d’équipes nous versent périodiquement des sommes d’argent et donnent obligatoirement des pots de vins aux policiers et à quelques autorités administratives pour payer nos efforts de protecteurs et payer le silence des autres ». Cependant, il reste pour ces dernières qu’à bien se tenir pour éviter les éventuelles surprises de la police que l’on qualifie de rafle opportuniste. A ce sujet, plusieurs attitudes codifiées sont collectivement construites pour prévenir la présence proche ou éloignée du danger. C’est à ce moment qu’interviennent les simulations ou la prostituée et le client entrent en jeu pour laisser passer la tempête, feignant ainsi pour tromper la vigilance de police. C’est ce qui fait dire à un procureur en service au tribunal de Ndokoti que parfois malgré tout, il n’est pas facile d’appréhender ou d’apprécier le délit de prostitution, il est identique à celui de l’homosexualité pourtant juridiquement garanti. Celui-ci relate que face à un fait de prostitution bien circonscrit à laquelle on avait tant bien que mal pris la peine de suivre et de dire le droit, il reçoit aussitôt une note anonyme d’intervention suivi d’un coup de fil occulte à son standard lui rappelant d’abandonner sa besogne à ce sujet sous caution de son travail et même de sa vie. Il est donc clair à ce point que le commerce du sexe dispose d’un capital social, humain et financier. Fort apte à manœuvrer ou intervenir même de manière souterraine sur les questions concernant ou impliquant un des leurs. Il pense à la création d’une brigade des mœurs. Avec des clients qui deviennent par moment acolytes ou collaborateurs des Waka. Il demeure que le lien marchand qui lie tout vendeur à son acheteur n’est orienté que par les rapports de négociation des clauses de la prestation du service demandé ou proposé. Malgré tout, on remarque que dans ce milieu assez contigu qui est basé sur le principe de l’offre et de la demande, le lien social requiert un caractère versatile marqué par une inconstance notoire.

Fulbert FOFACK